Lettres Remington




Courrier envoyé
en décembre 2020

     J’ai toujours adoré les machines à écrire. Elles ont sur moi un pouvoir de fascination. Enfant, la “Machine” semblait vivante, capable de faire naître des mots, des phrases et des histoires de manière autonome. Chez mes parents, elle trônait sur le bureau de mon père sans aucun droit d’y toucher, ce qui  décuplait ma convoitise et, une fois seul, fourbe comme pas deux, je glissais une feuille dans la bouche béante de la bête et tapais frénétiquement ce qui me venait à l’esprit : rien ! Ou plutôt : kjhgfuygqofygouaygojhcbqjhbqjhb.

    J’ai acquis une Remington de voyage des années plus tard et le charme a perduré, l’envoutement est tenace. Aujourd’hui, alors que nous sommes confinés, l’idée de télécharger l’intégralité d’internet, de parcourir les réseaux sociaux ou de chiner des “infos” me fout un cafard monumental.  J’aime voir de vieux films, écouter des musiques d’avant les années 80, et m’éloigner le plus possible de cette époque qui ne me dit vraiment rien. J’ai  donc ressorti la Remington et, après avoir changé les rubans et nettoyé la poussière accumulée (ça occupe) j’ai inséré une feuille et...
kjhlfsjhgqfljhgfqjhfg est revenu, intact. Non sans mal, j’ai mis de l’ordre dans mes pensées me laissant bercer par les mouvements de la machine, du rythme sec de la

frappe, du doux entrainement des rouleaux et du frénétique déploiement des doigts mécaniques aux ongles lettrés venant claquer la feuille définitivement sans possibilité de cmd Z.

    De la fascination pour la machine et d’un foutu rejet de notre époque sont nées “les Lettres Remignton”. Un mot ou une suite de mot sur un papier italien de 150 gr au format 15/23 cm plié en deux puis envoyé par courrier à quelques amis afin qu’ils interviennent sur la lettre en l’annotant, dessinant, raturant, etc... Le destinataire se l’approprie et me la renvoie, je suis LE destinataire final, basta. Pour une fois qu’on m’écrit... Recevoir autre chose que des factures et des lettres d’huissier apparait comme une victoire sur la vie, éternelle menteuse.

Thomas Gizolme
































































































In memoriam Gilles Mahé 1943 / 1999

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